Enfant, j’ai pu assister, à la fin de la 2ème guerre mondiale, aux toutes dernières fabrications de poteries en argile à base d’amiante, spécificité depuis des décennies des poteries corses et de notre région en particulier. DE QUOI S'AGISSAIT-IL ? d’ustensiles de cuisine en argile réalisés à la main, sans l’aide d’aucun outil ni de tour, argile à laquelle on ajoutait de l’amiante, pour les rendre plus solides, faute de disposer de fours permettant de les cuire à haute température. Les matières premières, amiante et argile, étaient extraites à la pioche et transportées à dos d’âne dans des sacs en jute. Pour l’argile l’approvisionnement le plus accessible se trouvait au dessous du hameau de Canaja -e strette- pour l’amiante, le filon était celui qui traverse la Corse du nord au sud et dont la résurgence la plus visible se situe à Canari. Grand-mère et sa sœur allaient s’en procurer sur la montagne d’en face sur les hauteurs de Campitello. Noter au passage que ni l’une ni l’autre n’ont subi les effets délétères de ce minéral puisque mortes saines et très âgées comme ceux qui les avaient précédées dans ce travail… COMMENT PROCEDAIENT-ELLES ?, dans un premier temps, l'argile était mise à tremper pour la débarrasser des ses impuretés puis ‘manipulée’ entre les doigts pour éliminer les pierres. L'amiante était martelé, avec un maillet en bois, pour casser les mottes, l’assouplir et ne laisser subsister que les fibres longues. Les deux matières étaient ensuite mélangées, dans des proportions de 1p/10 environ, avec de l’eau en quantité suffisante pour former une pâte prête à l’emploi. FABRICATION Sur une planche, voire une pierre plate (teghja), on réalise une galette de 0,5 m/m environ. et du diamètre du fond de l’article à confectionner. Si celui-ci est percé de trous on commence par marquer leur emplacement avec le pouce. On utilise ensuite un fuseau pour réaliser une vingtaine de trous de 12m/m environ. On découpe d’autre part une bande de même épaisseur que l’on aboute rapidement pour former le corps en donnant à celui-ci l’arrondi nécessaire. On perce sur les (ou le) côtés les (ou le) trous qui, plus tard, serviront à fixer le manche ou l’anse et l’on met à sécher à l’ombre dans une atmosphère humide pour éviter les fendillements dus au retrait. Le moment venu sont réalisés manche ou anse, soigneusement ajustés sur les ustensiles puis, de nouveau, mis à sécher. En dernier lieu on corrige les imperfections en enduisant l’article d’un ‘vernis’ -qui n’est autre qu’une solution d’argile très liquide-, on passe au four –le four à pain- pour un dernier séchage et l’on peaufine en noircissant artificiellement à la fumée avec de la paille enflammée. LE COMMERCE DE CES POTERIES Grand-mère et sa sœur, partaient vendre leur marchandise le matin avant le lever du jour, l’âne était chargé et sa queue leur servait de guide. Elles empruntaient les chemins de montagne, quel que fut le temps, pour se rendre à pied à 15/20 km alentours et rentrer chez elles, la nuit tombée. Ce pouvait être près : Bisinchi, Volpajola, Monte ou Prunelli, plus loin : Murato, Oletta, Omessa, encore plus loin : Pietralba ou Lama. Elles rapportaient, non pas de l’argent mais le produit de leur troc : huile, fromage, farine de blé… correspondant à la vingtaine d’articles qu’elles avaient fabriqués et vendus. QU’ETAIENT CES ARTICLES ? ‘pinghjula’, marmite de 40/42x23 cm. env. munie d’une anse assez haute pour être accrochée à la crémaillère (a catena). Elle était surtout destinée à la soupe. Celle-ci, composée essentiellement de légumes du jardin : chou, haricots, pommes de terre et à laquelle on ajoutait en fin de cuisson ‘u battudu’ ou un os de jambon ou quelques couennes pour rehausser le goût. Elle constituait le plat essentiel du soir -et du matin s’il en restait- après avoir mijoté sur le feu tout un après-midi. ‘tianu’ dont le nom désigne aussi bien le contenant que le contenu, est une espèce de sauteuse de 20/22 cm de diamètre munie d’une queue courte et percée. On y fait cuire le repas quotidien, ragoûts de pommes de terre, de haricots, de viande : lapin, cabri, volaille (les jours de fête) avec huile d’olive -plus ou moins raffinée-, ail, oignon, lard fumé. ‘testu' fabriqué comme le ‘tianu’ mais avec un fond percé de trous était destiné exclusivement à rôtir les châtaignes et à créer une soirée familiale animée autour de ‘i fasgioli’ -la 'frissoghja' petit tianu pour griller le café vert. - le ‘furnellu’ réchaud à braises pour un usage restreint. Sorte de petit brasero composé de deux parties séparées par une sole percée de trous et à la base une ouverture carrée pour l’introduction du charbon. Comme tous les produits manufacturés ces articles étaient de formes et de finition plus ou moins semblables. Ils étaient très solides et l’on y faisait une cuisine savoureuse due aux produits, au temps de cuisson- lent et doux- mais aussi, et pourquoi-pas, à la matière naturelle (bien qu’amiantée), dont ils étaient faits.
LES POTERIES DE CANAGHJA
Rédigé le Mardi 26 Février 2013 à 23:01 | Lu 1268 fois | 0 commentaire(s)
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