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TEMOIGNAGE D UN PETIT FILS DE POILU


Rédigé le Samedi 10 Novembre 2018 à 08:22 | Lu 483 fois | 0 commentaire(s)


Témoignage d'un petit-fils de « poilu »

 Les cérémonies de l'armistice du 11 novembre 1918 sont célébrées cette année avec plus d'ampleur et d'éclat  La nation sur tout son territoire commémore pour l'occasion le centenaire de l'évènement historique, et honore ses hommes et ses soldats engagés dans cette atroce guerre. On assiste à un vibrant hommage rendu par la France à cette génération de poilus (1) de la Grande Guerre..Un hommage plus que mérité car de leur engagement et de leur combat la paix et la liberté furent de retour sur le sol de l'Europe.
Par les noms gravés sur les monuments aux morts de toutes les communes on comprend combien la disparition humaine fut immense et douloureuse.
Ils furent 1,4 millions à perdre la vie sur les champs de bataille dont 10380 corses (2), morts pour la France;(.) Parmi eux, 2614 sont morts dès les premiers mois de la guerre, d'août à décembre 1914. La Grande Guerre a fait aussi de très nombreux blessés, environ quatre millions (c'est à dire 40% de l'armée française) et lorsqu'ils eurent la chance de rentrer vivants au pays c'était bien souvent avec des « gueules cassées ». On imagine facilement les conséquences psychologiques que ce traumatisme a entrainé pour ces combattants, comme pour leurs familles. La Corse dénombra 12.000 invalides dont malheureusement beaucoup décédèrent des suites de leurs blessures.
Sur la commune de Campile la liste des noms d'une même famille (gravée sur le monument aux morts reflète la tragédie vécue. Le plus jeune avait 20 ans, le plus âgé 45.
  
Mes deux grands-pères (photos en pj) furent mobilisés, alors qu'ils étaient mariés et déjà pères de quatre enfants chacun.
Mon grand-père paternel, Ange-Paul Giorgetti, fit la guerre avec le 173ème régiment d'infanterie. Il participa à toutes les batailles engagées jusqu'en 1916. Sa compagnie, qui tenait alors le secteur de La Chapelle dans les Vosges , fut harcelée par des pluies d'obus de l'artillerie allemande. Il se trouva enseveli dans une tranchée et grièvement blessé par plusieurs éclats Il devint aveugle, Il fut )évacué à l'hôpital de Toulon et plusieurs fois opéré. Sa femme, ma grand-mère Stéphanie, quitta la Corse et se fit embaucher comme aide-soignante pour être auprès de son mari en attendant les possibilités d'un retour en Corse. Lorsque j'avais 12 ans (j'en ai aujourd'hui 91), il me faisait toucher du doigt les petits éclats d'obus qui se déplaçaient dans son corps à fleur de peau. J'étais très impressionné. Mon grand-père paternel ne se plaignait jamais et à chaque 11 novembre il fixait le drapeau tricolore à la fenêtre. Il reçut la croix de Guerre, puis la légion d'honneur et décéda en 1948 à Campile.
Mon grand-père maternel, Antoine-André Raffaelli passa les quatre années de la guerre dans les tranchées et sous la mitraille constante. Il revint entier au village où il vécut jusqu'à l'âge de 97 ans.
 Ces valeureux combattants avaient dans leur tête les batailles de Verdun, du Chemin des Dames, de La Chapelotte, de la Côte 307 etc...Ils étaient pudiques, ne parlaient jamais ou bien peu des tourments vécus au cours de cette tragédie. Ils évoquaient les moments de tension moins oppressants, les trêves de Noël, ou les périodes plus calmes qui ne duraient jamais bien longtemps. Pendant celles-ci, ils avaient appris à parler le français, à le lire et à l'écrire, ce qui leur permettait de donner des nouvelles à leurs familles.
Au contact des autres soldats, mon grand-père Antoine-André avait appris à ressemeler les chaussures, à faire des lacets avec un morceau de cuir, à découper des pièces de métal pour faire des lampions, à tisser la paille.(pour faire des corbeilles ou des boites à ouvrage.
Pendant que ces hommes étaient au front, leurs femmes assuraient la relève au village et accomplissaient en plus des tâches habituelles tous les travaux pour vivre : jardinage, élevage des animaux, éducation et soins des enfants. Elles furent les bras solides d'un travail quotidien agro-pastoral pour survivre dans l'attente angoissante des nouvelles du front. Elles ont tout autant que leurs maris mérité de la patrie . Elles furent, il faut bien le reconnaître, les grandes oubliées de la Nation.
 Le dernier poilu vivant à Campile fut Jean-Augustin RAFFAELLI, engagé volontaire à 17 ans, il reçut avant son décès la croix de guerre 14-18 et la médaille militaire, deux distinctions honorant son engagement.
 Pour conclure ce témoignage, citons le Général Ferdinand FOCH, commandant les Armées Alliées sur le front de l'Ouest dans son ordre du jour du 11 Novembre 1918 - « Officiers, Sous-officiers, Soldats, Après l'avoir résolument arrêté l'ennemi vous l'avez pendant des mois, avec une foi et une énergie inlassable, attaqué sans répit. Vous avez gagné la plus grande bataille de l'Histoire et sauvé la cause la plus sacrée, la liberté du monde. Soyez fiers d'une gloire immortelle, vous avez paré vos drapeaux, la postérité vous garde sa reconnaissance. »
  
Nous lui devons également cette citation de circonstance qui prend aujourd'hui toute sa dimension:
«  parce qu'un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir. »

Il est aujourd'hui de notre devoir de nous associer à ce souvenir et de leur rendre un vibrant hommage.

Ange-Paul Giorgetti, en collaboration avec André Raffaelli,

NB/

-(1) le terme de poilu, désigne le fantassin qui allait au combat dans les tranchées. En langage populaire il signifiait "individu qui n'a pas froid aux yeux". Le poilu c'est  le "grognard" d'Austerlitz, c'est l'homme qui a du poil, c'est à dire du courage!
(2) les chiffres des décédés aux champs d'honneur font l'objet encore de travaux de recherche.

 
 

 




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